jeudi 16 décembre 2010

Tout ce que j'ai vu a disparu / Des fantômes

TOUT CE QUE J'AI VU A DISPARU
GALERIE DE L'ÉCOLE SUPÉRIEURE D'ART DE LORIENT
10.11.2010 -17.12.2010
> livret d'exposition


Tout ce que j'ai vu a disparu est une « rétro-prospective ». Plusieurs oeuvres qui la composent sont issues de fait de projets à venir plutôt que des archives de l'activité de Khiasma. C'est le cas de Phone Tapping de Hee Won Lee dont la première exposition monographique, Wonderland, sera présentée à l'Espace Khiasma à partir du 13 janvier 2011.
Je connais Hee Won depuis plusieurs années. Elle a été mon étudiante à l'Ecole Nationale Supérieure d'Art de Nancy – elle a, par la suite, étudié au Fresnoy dont elle vient d'être diplômée. Certaines des préoccupations de son travail étaient déjà présentes à l'époque ; la solitude (et déjà un vocabulaire visuelle qui évacue la représentation du corps pour ne conserver que la parole), la ville et une affection particulière pour le son -notamment électronique- qui est devenu l'objet central de ses pièces les plus récentes. A l'époque, elle avait réalisé une courte vidéo, Karaoké – qui sera montrée dans l'exposition Wonderland- que je considère un peu comme l'esquisse, la matrice épurée de Phone Tapping.
Phone Tapping est un long travelling nocturne sur la ville de Séoul. Immensité silencieuse de gratte-ciels d'où s'échappent des fragments de conversations. On parle de ce qui ne pourra plus être réparé, de ce qui est perdu à jamais. On rejoue inlassablement les discussions inachevées. Les voix sont suspendues dans un espace hertzien, dans le flux électrique qui fabrique l'écosystème de la plupart des fantasmagories de l'artiste. Hee Won Lee ausculte une ville sans corps et nous glissons avec elle dans un obscure sentiment de suspend, dans un temps qui délicatement se délite, dans notre "devenir fantômes".




De fantômes, il en est aussi question dans l'œuvre de Berger&Berger. Ghost Towns est une élégante carte du monde où les villes disparues sont autant de minuscules confettis sur la surface de la planète. Le principe graphique nous avertit qu'il ne s'agit pas ici d'une carte comme une autre. Les continents ne sont plus que de grandes masses noires flottant sur l'océan d'une page blanche. L'économie des couleurs et des dimensions nous plonge directement du côté du récit, de l'écriture, de la partition. Carte en négatif montrant ce qui n'est plus- au dos de l'affiche une liste nous informe du nom de chaque ville et de la nature de sa disparition – Ghost Town, derrière son apparente simplicité et son récit silencieux, est une œuvre qui mobilise de façon troublante la pensée du spectateur qui se doit de recomposer mentalement la possibilité de lieux disparus. Dans l'œuvre de Renaud Auguste-Dormeuil également présente dans l'exposition, on retrouvera cette même puissance de mise en mouvement de l'imaginaire à partir d'une simple affiche, le spectateur recherchant dans ce cas à rattraper un instant disparu dans le pli de l'Histoire.


Pour cette exposition, j'ai choisi de placer la carte de Ghost Towns en contre-bas sur un socle et de composer – à partir du mobilier trouvé dans les réserves de l'école- une forme de comptoir. Ainsi on peut s'accouder pour contempler l'état de disparition de parties du monde, à la façon de créatures démiurges qui regarderaient paisiblement leur planète minuscule détruite par leur désir de puissance. Du reste, comme le dit très simplement Marc Augé dans le texte qui accompagne l'œuvre : « Toute la question est donc de savoir si en définitive la carte des villes fantômes illustre notre passé ou préfigure notre avenir. »

Cette affiche est l'une des trois de l'exposition issues de la collection Libelle éditée par Rosascape – éditeur auquel on doit aussi l'impeccable livre d'artiste Images Latentes. J'en reparle ici bientôt.

Tout ce que j'ai vu a disparu / Images retrouvées


TOUT CE QUE J'AI VU A DISPARU
GALERIE DE L'ÉCOLE SUPÉRIEURE D'ART DE LORIENT
10.11.2010 -17.12.2010
> livret d'exposition



Sans titre / Vis-à-vis © Catherine Poncin / Galerie des Filles du Calvaire

Avec une grande photographie issue de la série Vis-à-vis et la vidéo Mamèr.moi, Catherine Poncin était doublement présente dans cette exposition.
On pourrait considérer son œuvre comme une archéologie dévoyée de l'image. Car il s'agit bien d'une quête des images, mais elle est dénuée de tout désir de conservation. Car Catherine Poncin photographie souvent des photographies comme d'autres collectent des objets laissés à l'abandon auxquels on ne saurait plus accorder le temps d'un regard. Si elle revient sur des images sans qualité c'est pour en saisir un fragment, qu'elle recadre, monte, redistribue dans une nouvelle histoire. Alors que le plus souvent ces œuvres mettent volontiers en relation – et en tension- plusieurs sujets, pour Vis-à-vis, elle ne travaille qu'à l'intérieur d'une seule et même image, amplifiée par la découpe d'un motif, la rupture de l'échelle, la soustraction d'une partie. A partir de photos prélevées dans les albums de familles migrantes qui ont traversé la Méditerranée, Poncin crée ainsi des tableaux fracturés, insinue le trouble, introduit des ellipses, qui mettent en doute la surface calme du souvenir et font resurgir soudain, inaperçue, la figure sans âge de l'enfance perdue. Tableaux de déchirements silencieux, de l'histoire non-dite, histoire de la perte, du déracinement. Comme une mémoire (re)trouvée.


MaMère.moi / Vis-à-vis © Catherine Poncin / Galerie des Filles du Calvaire
Avec Mamère.moi, l'une des rares vidéos de l'artiste, Poncin travaille à l'intérieur de sa propre intimité en fabriquant en seize courtes séquences le portrait de sa mère, Pierrette. En guise de caméra Poncin utilise un appareil photo bon marché. A l'arrivée, le témoignage s'en trouve troublé, déréalisé. Avec ce dispositif frustre – son brut, images pixelisées -, Poncin n'en inscrit pas moins une écriture d'une grande délicatesse. Par un jeu de cadrages très serrés – on n'aperçoit le plus souvent des mains et les motifs d'une robe, une cheville parfois- elle parvient à mettre à distance la dimension proprement documentaire de la vidéo. Nous ne sommes déjà plus dans un film de famille. Il ne reste qu'une succession saccadée de scènes d'épure, sans date et sans lieu, le tête-à-tête d'une mère et de sa fille, qui glisse en prévenir du banal à l'émouvant et de l'émouvant au cruel. Une image intime mais sans propriétaire, un lieu singulier dans lequel nous pénétrons par effraction.

L'un des chapitres de l'exposition Vis-à-vis a été présenté à l'Espace Khiasma à l'automne 2007.
Le film Mamèr.moi y a été projeté en décembre de cette même année.
Il est disponible en DVD aux éditions Incidences
Catherine Poncin est représentée par la Galerie Les Filles du Calvaire (Paris-Bruxelles)

mardi 7 décembre 2010

Un lieu qui ne serait que du temps


Béregère Lebâcle en performance pour Over Game

Dans le texte du livret de l'exposition "Tout ce que j'ai vu a disparu", je me suis penché sur la question du lieu. D'abord parce qu'on m'avait demandé de venir parler de celui que je dirige, l'Espace Khiasma - je me suis exécuté sous la forme de deux conférences très différentes sur ce même objet. Ensuite parce que la distance aide peut-être à mieux saisir d'où l'on pense.
Je me rends compte aujourd'hui que la trame de ce texte s'applique autant à l'exposition de Lorient qu'à ce que fut l'expérience d'Over Game à Khiasma :

"Lorsque l'on m'a invité à venir parler de l'Espace Khiasma, j'ai tout de suite pensé qu'il fallait tenter d'évoquer « ce lieu qui ne serait que du temps », pour reprendre les mots de la philosophe espagnole Maria Zambrano. C'est ainsi qu'il faut comprendre le terme « espace », ce qu'il y a entre, cet intervalle vide qu'il s'agit de parcourir, d'habiter. À la manière de l'homme qui marche vers le fond de la grotte ou qui descend par l'étroit appendice d'un aven. Ce ne sont plus les objets qui sont nommés ou même les points de départ et d'arrivée mais ce mouvement qui va vers. Parler donc d'un lieu, mais comme d'une forme éphémère, “activable”, une intensité critique. Un lieu, il faut bien le dire, est composé de nombreuses dimensions « matérielles » - qu'il s'agisse du bâti, des produits techniques, des flux financiers, de l'équipe qui l'anime, du public... - mais d'une certaine mesure, j'ai progressivement pris conscience que la seule manière d'échapper à la réification de la chose culturelle était de considérer que toutes les dimensions qui le composaient devaient pouvoir être mises en mouvement. Il y aura non seulement une pensée en mouvement mais aussi sans cesse un espace et une manière de l'habiter, ré-indexés aux nécessités d'apparition des formes. L'espace déborde de ce fait souvent de manière aussi fertile qu'imprévisible du cadre strictement artistique vers la formulation d'un espace social. C'est ce débordement qui fonde sa nature politique bien plus que des thématiques spécifiques ou même des opinions ; c'est-à-dire une déformation, une plasticité du lieu en fonction de ce qui a lieu, ce qui est vécu. Le lieu est alors une expérience entière qui se retire dès que le moment s'achève et l'image y est comme un « fantôme qui sue » (...) Ainsi la situation d'apparition d'une image est aussi composée pour une large part des différents lieux de discours qu'elle offre autant que de la nature de l'espace où elle prend forme. La grotte, prise comme objet d'art total - c'est-à-dire la grotte enfouie après avoir été découverte - répond à cette même nature dialectique. Elle opère à la fois dans le registre mythique – le récit- et dans l'histoire naturelle en tant que trace pétrifiée, c'est-à-dire dans le rêve comme dans la réalité avec autant de prégnance. À la nature stable et en ordre des formes de la spectacularisation contemporaine (les images, les lieux), on pourrait opposer des objets qui « ne seraient que du temps », du temps passer à en négocier le sens, à en discuter l'essence, à en entretenir le mythe car ils devront être inaperçus pour avoir une chance d'être vus. Par ce mouvement, il est possible de fonder des lieux. "

TOUT CE QUE J'AI VU A DISPARU
GALERIE DE L'ÉCOLE SUPÉRIEURE D'ART DE LORIENT

10.11.2010 -17.12.2010

Tout ce que j'ai vu a disparu / Trésor


Poster Can ' 86 de Jacques Faton / (2005, poster noir et blanc 50 x 50 cm, recto/verso édition de 500 ex / production Khiasma/Pontos)

Comme il m'a été offert de tenter un retour sur ma pratique de « regardeur » d'images, je n'ai pu m'empêcher de placer ici encore une évocation du football, et plus particulièrement du football télévisé. On le sait, tout se déroule deux fois au moins dans le spectacle médiatique du football. Il y a l'image de la scène – qui n'est déjà plus la scène elle-même tant la prolifération du dispositif de tournage l'expose tel un pliage de plusieurs points de vue. Puis il y a la parole du commentateur qui dit la scène, la répète. Puis l'usage des ralenties qui la rejouent à une autre vitesse, en la détachant définitivement de l'évènement pour en faire un moment visuel parfaitement autonome, étirant dans le temps jusqu'au ridicule le râle du joueur qui simule d'évidence la douleur. Le fait de voir et d'entendre en même temps ce que l'on voit a toujours été pour moi une sensation particulière, pas forcément désagréable – sensation qu'explore actuellement sur un autre terrain, celui du spectacle vivant, mais sans ballon cette fois, Bojana Cvejic dans ses Running Commentaries aux Laboratoires d'Aubervilliers.
Même si le charme de cette double piste pleine de failles est d'avantage liée aux souvenirs des matchs télévisés de mon enfance qu'aux transmissions actuelles qui, par un usage exponentiel du nombre de caméras et du montage en direct tendent à fabriquer un spectacle essentiellement visuel – le commentaire est alors rejeté du côté du café du commerce reconstitué pour l'occasion sur des plateaux télévisés. Au contraire, le peu de tailles de plans à disposition pour une retransmission des années 80 par exemple (plan général du stade lointain, quelques gros plans hasardeux), la médiocrité de l'image et la voix lointaine du commentateur offre un spectacle où toutes les parties possèdent une large autonomie et où la prise en charge de ce qui est vu est aussi affaire de parole. Les retransmissions de Coupe du monde de cette époque, au direct incertain, sont marquées du sceau de la distance. La voix nous parvient des profondeurs, on y sent l'effort des ondes pour traverser péniblement la Terre. Une matérialité technologique, en somme. La voix surnage non sans mal au-dessus de la clameur infra-basse du stade. Les joueurs sont méconnaissables, leurs maillots bavent sur l'écran. C'est à ce régime que l'image commentée de football devient une précieuse relique, un rêve dont nous devons sans cesse vérifier qu'il a existé. Marius Trésor, Christ noir levant les bras au ciel (France-Allemagne, 1982), le commentateur prononçant son nom et en même temps, l'incrustation improbable au bas de l'écran où l'on lit la vérité de la scène : TRÉSOR.

L'affiche Can'86 de Jacques Faton rend hommage à une archéologie du football. C'est une image perdue du match Sénégal-Côte d'Ivoire, associée à la collecte des récits de ceux pour qui le souvenir de ce but fatal reste aujourd'hui encore un triste moment. Imprimées au verso de l'image illisible extraite d'une bande trouvée sur un marché de Dakar, les histoires de Can'86 sont techniquement invisibles quand on regarde l'image. En tournant l'affiche, le visiteur perd l'image au profit de son histoire. Ici récit et relique visuelle ne se répètent pas, le commentaire ne s'additionne plus à l'image, il en est l'alternative.
Jacques Faton a consacré une grande partie de son parcours artistique à la mémoire du football et j'ai partagé avec lui certaines de ses investigations sénégalaises.
Il exposait, il n'y a pas si longtemps encore à Arlon en Belgique, un nouveau chapitre de son travail passionnant.

TOUT CE QUE J'AI VU A DISPARU
GALERIE DE L'ÉCOLE SUPÉRIEURE D'ART DE LORIENT

10.11.2010 -17.12.2010

lundi 6 décembre 2010

Tout ce que j'ai vu a disparu / vues d'expo



Affiche CAN'86 de Jacques Faton et L'image comme trésor de Simon Quéheillard, où quand c'est la quête de l'image qui forme l'image. J'ai écrit un texte pour le livret de l'exposition, Une image dans la grotte et la grotte comme une image, qui doit probablement beaucoup à ces deux œuvres.

Tout ce que j'ai vu a disparu / vues d'expo 3




L'exposition met en relation des livres, des affiches et des vidéos.
Des images toujours incertaines comme album photo sans images (Images Latentes, journal d'un photographe de Khalil Joreige et Joana Hadjithomas) ou une correspondance pixelisée (Temps Mort de Mohamed Bourrouissa)
> voir l'entretien vidéo de Mohamed Bourouissa sur khiasma.net

Tout ce que j'ai vu / hommage à Sylvestre



Un mois de novembre particulièrement copieux m'a empêché de parler d'un très beau projet réalisé à l'École Supérieure d'Art de Lorient. Il était temps de réparer cette omission.
C'est chose faite. « Toute ce que j'ai vu a disparu » (hommage indirecte au remarquable et mélancolique livre de typographie It is beautiful... then gone de Martin Venezky) est une exposition collective réalisée à l'invitation de Nicolas Barrié, artiste, vidéaste et enseignant à Lorient. Quand Nicolas me parle de cette invitation à la fin du printemps dernier, il s'agit plutôt d'une conférence, sur l'Espace Khiasma. Parler d'un esprit du lieu, d'une manière d'aborder les formes contemporaines mais aussi de les partager, de faire communauté. Progressivement, l'idée de faire une exposition, de faire « Khiasma » à Lorient prend forme. Il s'agit au passage pour moi de traverser mes années de directeur d'un lieu d'art pas comme les autres mais aussi d'éditeur (la décennie précédente placée sous le signe d'Amok). En hommage à ces années de jeunesse, je dépose deux livres de bandes dessinées de Sylvestre comme introduction de l'exposition, Relations et Simple (les deux édités par Amok éditions). Sylvestre – Federico Del Barrio- défait dans Relations tous les artifices du récit. Les personnages aperçoivent l'ironie de leur nature, la vacuité de leur mission, les limites de la page et l'encre qui les compose. Ils pensent perspective, point de fuite, utopie. Avec Simple, Del Barrio en finit avec la bande dessinée en plaçant un personnage – son double fictionnel- en bas à droit de toutes les cases du livre. C'est l'incarnation du refus des simulacres, la grève du récit. Ces amis – Raul, Cava- ont beau tenter de venir le raisonner, rien n'y fait, l'auteur-personnage ne bougera pas jusqu'à devenir pure littérature.
L'oeuvre en bande dessinée de Del Barrio comme celle de Raul est l'une des rares à avoir eu une influence durable sur mon parcours. C'est sous le signe de la disparition que j'ai placé cette exposition qui tente de relier deux décennies de préoccupations visuelles.
Merci encore à toi Fédé pour ces livres d'une intelligence rare.

TOUT CE QUE J'AI VU A DISPARU
GALERIE DE L'ÉCOLE SUPÉRIEURE D'ART DE LORIENT

10.11.2010 -17.12.2010
RENAUD AUGUSTE-DORMEUIL, BERGER & BERGER, MOHAMED BOUROUISSA, OLIVIER DEPREZ & MILES O'SHEA, FRÉDÉRIC DUMOND, JACQUES FATON, FABIEN GIRAUD & RAPHAËL SIBONI, NIKLAS GOLDBACH, KHALIL JOREIGE & JOHANNA HADJITHOMAS, HEE WON LEE, THANDO MAMA, OLIVIER MARBOEUF, CATHERINE PONCIN, SIMON QUÉHEILLARD, SILVESTRE, TILL ROESKENS
COMMISSARIAT : OLIVIER MARBOEUF / KHIASMA

Tout ce que j'ai vu a disparu / vue d'expo 1

jeudi 2 décembre 2010

Over Game / Du vivant



photos © Matthieu Gauchet et Olivier Marboeuf

"Les plantes sont vivantes, elles respirent et créent une circulation de gaz, de flux, que l’on retrouve dans l’écriture de Jérôme Game. C’est le côté organique. L’envie de créer une nature en vie, qui respire, rejoignait toute cette idée de difficulté à respirer, très présente dans ça tire. Mais aussi les pensées qui circulent chez Jérôme Game, qui poussent les unes à côté des autres, s’entrelacent. L’idée des rizhomes de Deleuze était présente également. À l’intérieur du corps du narrateur de ça tire, les mots sont bloqués. Il y a la recherche d’une libération de ce souffle, de cette parole."
Extrait de l'entretien d'Alexis Fichet et Bérengère Lebâcle pour Over Game.

Dès l'été dernier, lors d'une séance de travail, la présence de plantes et l'idée de flotter au-dessus nous avait beaucoup tenté. Bérengère avait envie de trouver une traduction dans la performance de cette sensation du corps qui passe d'un milieu à un autre, traverse des éléments, flotte même parfois, change de régime, d'état.
A la faveur de ma rencontre avec Nicolas Bralet du Laboratoire Associatif Art & Botanique (LAAB) nous avons pu pousser cette idée plus loin. Nous travaillions depuis un moment sur l'idée d'une résidence à venir quand j'ai décidé de l'inviter à se joindre à nous sur le projet Over Game. Il a produit avec Sabrina Issa un véritable jardin qui installe son rythme vivant durant toute la durée de la présentation publique de l'exposition, avec son système automatisé d'arrosage et d'éclairage. Il fait écho à notre préoccupation du temps – long, cyclique - qui est l'un des enjeux de la forme « installation/performance ». Avec ce jardin, nous sommes dans un espace totalement artificiel, mais qui déploie cependant des cycles naturels, du temps ancien, imperceptible et continu. Nous avions déjà commencé à explorer cette année à Khiasma, à la faveur de la résidence Locavores d'Emilie Notéris, des problématiques écologiques – et écosophiques- , en nous intéressant à la difficulté de penser la nature dans un régime urbain et technologique généralisé. Nathalie Blanc, l'une des intervenantes de cette résidence, posait en mai dernier un regard passionnant sur notre perception variable de ce qu'est la nature, construction qui faisait fi des données scientifiques à notre disposition. La nature réinventée, fantasmée et finalement épurée de sa part d'ombre. En posant le cafard comme figure centrale de la nature en ville, elle prenait à rebours notre désir de verdir la ville.(voir la vidéo)

La question de la nature contradictoire est aussi au coeur du travail d'écriture d'Alexis Fichet. Dans ses pièces Plomb, Laurier, Crabe et plus récemment Hamlet and the something pourri, on la retrouve dans sa forme vitale et inquiétante. Elle donne vie et empoisonne tout à la fois.


OVER GAME
du mardi 30 novembre au samedi 4 décembre à Khiasma entrée libre

> en savoir plus
> lire l'intégralité de l'entretien de Bérengère Lebâcle et Alexis Fichet

mercredi 1 décembre 2010

Over Game / premier soir


© photo Matthieu Gauchet

Impression polaire...